Lioumna,

Il y a bien longtemps que je ne suis plus parvenu à percer les lymbes oniriques pour te rejoindre en songe, je crois que les Ombres d'Hâth se sont étirées jusqu'aux Plaines du Saïl et qu'elles troublent les océans d'onyre qui les recouvrent. Mes rêves se heurtent à ces esquifs ténébreux qui crèvent l'écume de mes rêves et les dispersent. Je me demande parfois si les Insomnites ne se dissimulent pas derrière les sombres édifices que j'entrevois dans mes sommeils tourmentés. Ce serait un bien sombre présage pour les belles Plaines immaculées du Saîl où nul ne vit ni ne passe.

Je ne sais pas si tu es déjà venue ici, dans le delta des grands fleuves d'ambre, le spectacle est saisissant, grandiose ... cette verdoyance qui se reflète dans les eaux scintillantes et s'échappe vers les brumes lointaines et cotoneuses de Zuneim, le Pays des éthers vaporeux. J'aspire un jour à m'y aventurer mais on m'a mis en garde de pénétrer ces contrées où il est aisé de se perdre sans Etheride pour nous guider. Je pense que je me mettrais en quête d'un de ceux-ci lorsque je serais parvenu à te parler distinctement à travers l'onyre. En attendant je confie mes messages à celle-ci en priant pour qu'ils te parviennent.

La beauté de ce pays m'étreint parfois d'un sentiment tragique, comme si ici tout s'était figé indéfiniment entre l'espace et le temps. J'ai parfois la crainte de perdre le fil des jours et de ne plus trouver les portails onyriques pour m'évader de cette solitude. Si seulement des voyageurs passaient ici de temps à autre, j'aurais plaisir à échanger des souvenirs et un peu de chaleur. Mais nulle âme ne trouble jamais ce silence séculaire depuis que Nyx a été scellée avec ses hardes dans les abîmes obscures au-delà de Zuneim. Et je ne peux que souhaiter qu'elle y demeure éternellement. Mais si je constate que les Ombres s'allongent assez pour dissimuler les maléfiques Insomnites de la garde vigilante que maintiennent les Etherides, il faudra que je prévienne ces derniers ou que je m'en retourne dans les mondes de Morphée pour solliciter une audience auprès des Morphiques. Encore faudrait-il que je retrouve le portail du Saîl ...

Mais où-es-tu donc ma douce Lioumna ? Ta présence me manque, ta voix dans mes songes me manque, et je n'ose même pas penser à ton étreinte douce et si reposante pour mes os usés par les voyages. Il faut absolument que je trouve un maëlstrom d'onyre qui puisse amplifier suffisamment mes appels; mais ici les courants sont si sereins ...

Je dois te laisser déjà, je sens l'éveil qui me ramène au Saîl et à sa solitude silencieuse, l'onyre s'étiole parfois tellement que je ne parviens pas à trouver le sommeil pour t'appeler, c'est vraiment étrange.

Je reviens dès que possible ...

Altaïr