Demain - Les forteresses Onirides
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Page de garde

Les forteresses Onirides

C'est l'esprit pris de fièvre que je reviens enfin vous conter la suite de mon aventure Oniride. En effet, je ne voudrais pas que vous en vouliez à mon rêveur pour cette longue absence, la faute n'est pas à lui imputer cette fois-ci; de regrettables mésaventures m'ont retenu bien loin de vous, sous des horizons inhospitaliers que j'hésite à mettre au nombre de mes récits futurs. Toujours est-il que je reviens à vous avec peine alors que ma lucidité est soumise à quelques caprices que vous saurez lui pardonner je l'espère ...

Mais ne voulant vous ennuyer avec mes désagréments alors que je vous en dissimule encore la cause, je vais profiter d'un de mes moments de répit et du sommeil profond de notre interprète pour vous dire aussitôt la suite de mon vol vertigineux vers les forteresses Onirides.

Je vous contais la fois dernière comme mon pauvre corps s'évertuait de ne pas relâcher son étreinte passionnée à son bout de roche volant sous peine de choir si bas que je doute qu'on eût pu identifier un seul de mes atomes de voyageur rêveur novice ...

L'angoisse du moment et les battements frénétiques d'un coeur pris dans la tourmente de vents violents m'empêchent de me remémorer les images du voyage au-dessus de l'abîme : sans doute mes paupières choisirent-elles à ce moment de se clore à la vision d'effroi et mon esprit de se concentrer dans une lutte âpre contre l'arrêt cardiaque.

Ce fût donc dans un état de nervosité déplorable que je me vis arrimé à un vaste balcon de pierre brute où quelques plantes aux feuilles jaunes et fleurs blanches courraient à même le sol fissuré. J'eus tout le loisir durant le temps que je passai frissonnant et blotti contre le rebord de la balustrade finement sculptée en motifs géométriques à courbures douces, de contempler la demeure de mes futurs hôtes. Je crois qu'un terrain de football (pardonnez cette comparaison peu élégante) aurait tenu en large sur cette plate-forme tandis qu'à l'emplacement théorique des tribunes d'en face on pouvait appercevoir non pas des gradins mais un vaste arrondi évasé sur ses extrémités et au centre duquel s'enchâssait un sublime vitrail ocre, banc, or et argent. Le dessin illustrait de hautes et fines silhouettes dans un florilèges de soieries enroulées en plusieurs bandes or et argent autour des membres émaciés, leurs manches, pattes et cols cousus, enserrés dans des pétales enveloppées comme des corolles refermées. Toutes ces figures élégantes aux crânes oblong et chauves, la peau gris pâle, de leurs longs bras soulevaient une sphère pareille à celle des grappes de souvenirs mais au diamètre plus petit, au centre de laquelle siégeait un impressionnant personnage tout vêtu d'argent liseré d'or, de nombreuses bandes brillantes formant un fascinant entrelac de figures enlacées (comme le seraient les rubans d'une danseuse). Ses yeux clos et son visage pâle aux rides profondes et marquées dégageaient une concentration telle que je ne pouvais que me sentir malaisé par une telle virtuosité du maître verrier ..

Alors que je ne pouvais détacher mon regard de la scène insolite, un pan du vitrail s'ouvrit à sa base et deux silhouettes vêtues pareillement que sur le vitrail s'avancèrent vers moi, droites et sévères tenant en leurs mains de petites sphères semblables à celle du vitrail dans une version miniature (et dont j'allais apprendre un peu plus tard qu'on les nommait Sphères d'Onirodynies*).

Les nouveaux venus s'arrêtèrent à quelques pas de ma position encore recroquevillée et, sans que leurs visages impassibles ne laissent entrevoir de quelconque émotion, m'invitèrent d'un léger signe incliné de la tête à les suivre. M'attendant à être rejeté dans l'abîme en cas de refus d'une invitation aussi chaleureuse, je retrouvai comme par un saint miracle l'usage spontanné de mes jambes et ne me fis pas prier pour leur emboîter un pas gauche et intimidé.

A la fois anxieux et intrigué des mystères que pouvaient cacher ces immenses murailles dressées au dessus de ma tête en de nombreuses tours pointues, je m'empressai de franchir le vitrail, écrasé par ses dimensions autant que par la taille de deux bons mètres de mes hôtes enrubannés d'or et d'argent. Je ne sais si vous pouvez concevoir ce que serait l'Everest évidé de l'intérieur tandis que d'innombrables escaliers et passerelles longeraient et traverseraient le gouffre de haut en bas pour rejoindre des édifices flottant ici et là par une mystérieuse alchimie ? C'est un peu ce spectacle qui m'accueillit alors qu'une dizaine de mètres me séparaient d'un vide plongeant sur des centaines de mètres et large d'un demi kilomètre. Tout cela baigné à la fois de la lumière des meurtrières perçant la pierre au dessus et au dessous, tout autour, et par des lampes dignes des plus belles oeuvres de l'école d'art nancéenne, enchâssant un verre orangé opaque dans de splendides nervures de bronze comme de grands cocons lumineux. Les édifices d'un style transitoire entre l'austérité du roman et le grandiose gothique, ressemblaient à de longues tours auxquelles on aurait accollé aux angles un grand nombre de balcons et tourelles en colombages. Comme autant de donjons fortifiés, reliés entre eux par les seules passerelles étroites et vertigineuses.sur lesquelles glissaient silencieusement de nombreuses silhouettes porteuses de sphères plus ou moins grandes enveloppées dans des soieries d'or.

Mes deux guides avançaient imperturbablement au long d'un large escalier, gravissant la parois jusqu'à des hauteurs vertigineuses et trop assombries pour que je puisse les distinguer clairement. Je ne sais combien de temps dura cette ascension mais il me sembla rencontrer d'innombrables palliers menant aux différentes constructions avant que le chemin ne se sépare en deux et que l'escalade se fit plus raide au coeur de l'une des tours colossales que l'on pouvait appercevoir de l'extérieur. Le conduit plus étroit, réduit à un diamètre rond d'une centaine de mètres était occupé en son centre par une construction tubulaire qui semblait s'élever jusqu'au sommet, percée d'ouvertures et de passerelles rejoignant notre escalier au fur et à mesure de son ascension. Nous dépassâmes nombre de ces portiques fermés par d'épaisses tentures argentées avant que mes guides n'empruntent une des passerelles larges d'un mètre et quelques, bordée de vide. Je ne vous dissimulerais pas quelle ne fut pas mon angoisse après cette marche soutenue de retrouver à nouveau le vide pour courtiser de si près mes jambes flageollantes. Pourtant je parvins à ma propre surprise à la tenture qu'on eut la galanterie de me tenir ouverte alors que j'y fonçai tête baissée.

Je me retrouvai dans un petit vestibule à deux ouvertures dont l'une sans tenture donnait sur une petite cheminée circulaire où l'on me fit entrer. Je crois que je m'attendais à tout sauf à être dans un ascenseur sans mécanisme : aussitôt entré je vis mes deux guides se saisir de leurs sphères respectives, clore les yeux et afficher cette saisissante concentration que l'on retrouve chez certaines moines bouddhistes, avant que la pierre sur laquelle je me tenais ne s'élève dans un conduit sombre à une vitesse relativement rapide et sans le moindre frottement ni bruit laissant deviner un éventuel treuil ou autre appareillage complexe servant à me propulser ainsi. Je pus cependant noter que toute la paroi était couverte de cavités contenant de petites sphères pareilles à celle de mes guides (et que j'aurais pu voir également incrustée dans la roche qui m'avait déposée à demeure si je n'avais été obsédé par ma terreur).

Je n'étais pas encore revenu de ma stupeur lorsque la pierre s'immobilisa bien plus haut et que le regard fixé à la paroi je sentis une main effleurer mon épaule légèrement. Ayant fait volte-face sans doute un peu brusquement, je me retrouvais face à un être semblable à l'individu encagé sur le vitrail à la différence prêt que ses toges nouées n'accomplissaient pas ici de prodiges de la voltige mais reposaient sagement enlacées l'une à l'autre. Comment décrire ce sentiment de petitesse qui m'écrasa avec force face à ce visage impénétrable au regard perçant et inquisiteur ? Si l'on m'avait désigné l'issue de secours je crois que je me serais confondu en excuses bafouillées avant de choisir une fuite déconfite. Las, je me devais de rassembler des bouts de contenance pour répondre à l'invitation du chef de l'irréel personnage. Je pénétrai alors le premier endroit un tant soit peu accueillant depuis mon saut dans les contrées du rêve; une grande cheminée arrondie, ouverte à un demi mètre du sol couvait un feu crépitant tandis que deux vastes soieries d'argent dissimulaient de probables pièces attenantes. Dans celle-ci un épais velours d'or recouvrait le centre d'un demi cercle dans l'arrondi duquel s'ouvraient trois portiques en ogive qui conduisaient à un balcon disputant ses dimensions à un terrain de tennis (pour ne pas quitter les métaphores sportives). Intercallé entre chacune de ces ouvertures, de grandes baies vitraillées (excuse cette formule maladroite) représentaient magnifiquement des êtres semblables à mon vis à vis, enfermées dans de vastes sphères autour desquelles on pouvait voir s'assembler les constructions que j'avais pu voir dans mon ascension précédente. J'en déduisis à raison ce que ma raison pourtant avait alors bien du mal à admettre : une sorte de pouvoir télékinésique avait permis à ces êtres-là d'ériger ces forteresses en lévitation; cette déduction suffit à achever mon malaise et il me fut presque soulageant de réfugier ma carcasse éprouvée dans un des très amples sacs suspendus au plafond qui faisaient ici office de fauteuils garnis de coussinets cotoneux fort confortables. Mon vis à vis dédaigna les quate autres "hamacs" pour préférer me dominer de toute sa trop grande hauteur à mon goût. Placé ainsi au centre du lieu sans autres meubles ni parrement il se saisit alors d'une petite sphère d'or autour de laquelle il joignit les mains avant que les rides déjà marquées de son visages ne donnent à ses traits une allure inquiétante et que ses paupières closes ne s'animent de spasmes vifs.

C'est ainsi que je fis connaissance avec le langage Oniride : les Onirodynies, l'expression imagée de leurs pensées ...

Rapidement mon regard se troubla, mon corps se fit lourd et ses sensations se troublèrent comme si une peau étrangère venait se frotter à la mienne et m'envelopper tout entier dans sa chaleur; les Onirides si froids d'apparence avaient un langage du corps si subtil et délicat que la surprise dut certainement me faire rougir et la pudeur me faire sentir honteux de ce langage de plaisir tactile qui m'ôtait l'envie de me défendre. Mes pensées cherchaient vainement à s'expliquer ce corps à corps sans contact direct et le fait que tel deux amants en symbiose s'engageait un dialogue muet où chaque infime excitation de l'épiderme est un dialogue élaborré où l'ambiguité propre à l'interprétation du langage parlé n'existe pas. Nos souvenirs sont bâtis sur d'innombrables stimulis de nos perceptions et certains de ces stimulis reproduits peuvent susciter tel ou tels souvenirs qui nous apparaissent alors très clairement à l'esprit; de la même manière c'est un langage extrêmement instinctif qui permet aux Onirides de susciter des images très élaborrées chez leur interlocuteur à partir de sa mémoire sensorielle. Les images sont des Onirodynies comme celles qui rendent les rêves si saisissant de réalité.

Je ne voudrais pas m'emporter dans un long discours ennuyeux de théorie langagière Oniride alors que vous attendez sans doute de savoir quel fut le contenu de cet échange charnel. Evidemment déstabilisé par cet échange quasi forcé où mes sensations exprimaient mes pensées avec une sincérité plus spontanée que je n'en suis capable moi même en temps normal, je me sentis nu de corps et d'âme dans ce dialogue où mes sensations trop atrophiées par une existence terrestre peu tactile et sensitive étaient incapables de pénétrer mon interlocuteur avec la même aisance que celui-ci semblait le faire. L'échange se fit donc sous forme d'interrogatoire à sens unique où mes interrogations ne savaient comment s'exprimer et où celle de mon vis à vis trouvaient leur réponse sans difficulté.

C'est ainsi que je vis nombre de mes souvenirs fuser avec une clarté fascinante pour aller alimenter l'avidité de connaissances de mon vis à vis tandis que je formulais maladroitement quelques questions dans mes pensées avec l'espérance d'obtenir une réponse tout aussi claire. C'est ainsi que je pus enfin entrevoir après un moment d'intense concentration quelques bribes d'images en réponse à mes questions.

J'étais dans une sorte d'antichambre du rêve où des peuples, les Onirides, avaient la charge de recueillir le savoir des rêves éteints et de le conserver pour un usage mystérieux du divin Morphée. La façon dont on confessait les rêves me restait totalement inconnue et je savais uniquement que seuls des individus comme mon interlocuteur savaient le faire et utiliser la substance des rêves pour faire évoluer leur monde comme le symbolisait l'édification sur le vitrail. J'avais vu l'un de ces "Oniromanciens", comme j'appris leur appelation plus tardivement, apparaître dans une grappe et étendre les bras, faire voltiger son corps et ses vêtements puis interroger les souvenirs des rêves puis un autre flash me montra le même être tenir une sphère d'or à bout de bras tandis que des rocs s'arrachaient à l'immense pic cornu pour voltiger vers les forteresses et s'y déposer sur l'un de ces grands balcons où j'avais moi-même atterri; là, d'innombrables Onirides se rassemblaient autour des roches géantes et leurs esprits unis dans la concentration découpaient, sculptaient et polissaient la roche comme si leurs mains armées d'outils la modelaient suspendue en l'air. Puis toutes ces pierres voltigeaient vers le centre des forteresses pour y être assemblées en constructions par la seule force de volonté mystérieuse des Oniromanciens. Morphée, quant à lui, me fut évoqué par une gigantesque représentation fugitive que je n'associai à son nom que bien plus tard lorsque que j'allais découvrir les secrets des Mondes Oniriques.

Lorsque cet intense échange sembla avoir satisfait l'Oniromancien, celui-ci me laissa glisser dans une sorte de coma profond qui frappe les voyageurs novices du rêve lorsque leur corps réel tente encore de les rappeler et que la rationnalité de l'esprit se débat pour se rattacher à la réalité qui lui servait de point de repère jusqu'alors ...

Je vous délaisse ici dans mon récit car je sens déjà ma lucidité qui s'érrode pour me ramener vers les Ethers Cauchemardesques (que je ne vous décrirais également que bien plus tard si je le juge nécessaire).

Je vous laisse à la suite un bref exposé sur les Onirodynies afin que vous compreniez de quoi il s'agit précisément ...

***********

¤ Les Onirodynies ¤

Bien que je les ai décris brièvement ci-dessus, je souhaitais y revenir pour les curieux qui aiment tout comprendre. Lorsque les Onirides communiquent ils ne se contentent pas d'une sorte de suggestion sensitive, ils font pénétrer l'autre dans leur intimité afin qu'il ressente chacune de leurs innombrables émotions de façon empathique, comme si c'étaient les siennes. Imaginez-vous dans votre fort intérieur avec l'ensemble que forment vos pensées, vos sensations et vos sentiments, ce qui caractérise votre intimité profonde, et qu'il s'y trouve soudain un témoin qui partage chacune de celles-ci comme vous même. L'Onirodynie est comme un espace commun d'intimité qui est créé au sein des sphères que détiennent tous les Onirides. Chacun apporte dans une Onirodynie une part choisie de son intimité qu'il aura déposé dans sa sphère auparavant. C'est ce qui me dénuda tant dans mes premiers contacts aux Onirides : j'entrais tout entier dans l'Onirodynie, entièrement livré à mon interlocuteur. L'Onirodynie elle-même est un espace hors temps et matière comme le sont nos rêves usuels eux-mêmes, c'est un rêve dans les Mondes Oniriques et je vous montrerais plus tard comme ces espaces sont riches en découvertes insoupçonnées, bien au-delà des échanges rudimentaires (mais déjà tellement raffinés) des Onirides.

Comment naissent-elles ces Onirodynies ? Ne voulant pas encore rentrer dans des théories trop pointues, je vais me contenter de vous dire qu'il existe une substance du rêve, l'Ether Onirique et que cette substance s'imprègne des souvenirs pour former les dimensions du rêve. Les sphères que détiennent les Onirides contiennent (grâce à une alchimie que je vous décrirais également en temps venu) de l'Ether Onirique pur qui, lorsqu'il est imprégné de l'intimité des Onirides, forme l'espace d'une Onirodynie éphémère (vous comprendrez plus tard pourquoi elles ne sont qu'éphémères) où les sensations et pensées de chacun sont aspirées comme le sont les notres lorsque nous trouvons le sommeil. Les sphères sont conçues pour restreindre l'attraction de l'Ether et sa forte absorbance (sinon mon monde intérieur deviendrait un monde onirique à part entière et je ne pourrais plus m'en échapper).

Comme je ne voudrais pas asséner davantage à vos esprits incrédules (je l'imagine), je vais m'arrêter là pour cette fois-ci.

Votre dévoué serviteur

Ecrit par Songe, le Lundi 7 Mars 2005, 01:28 dans la rubrique "

Le Monde des Onirides
".

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