Je suis sincèrement désolé qu'il m'ait fallu autant de temps avant de vous conter la suite de mes étranges voyages mais il se trouve que mon intermédiaire rêveur s'était absenté quelques mois durant et qu'aucun moyen de vous mettre au fait de la suite de mes récits ne m'étais accessible.

C'est l'esprit pris de fièvre que je reviens enfin vous conter la suite de mon aventure Oniride. En effet, je ne voudrais pas que vous en vouliez à mon rêveur pour cette longue absence, la faute n'est pas à lui imputer cette fois-ci; de regrettables mésaventures m'ont retenu bien loin de vous, sous des horizons inhospitaliers que j'hésite à mettre au nombre de mes récits futurs. Toujours est-il que je reviens à vous avec peine alors que ma lucidité est soumise à quelques caprices que vous saurez lui pardonner je l'espère ...

Les Ephémérides sont un peuple qui habite tout au bord du gouffre des Limbes. Ils veillent sur le gouffre et les rêves qui y courent, leur insufflant assez de force pour qu’ils atteignent les dormeurs. C’est une tâche ingrate, car tout le monde les a oubliés, mais pour les Ephémérides ils font ce qu’il y a de plus beau au monde, et nombre d’entre eux meurent de cette passion dévorante qu’ils ont pour les songes et à laquelle ils donnent toutes leurs énergies.
Zibahim est leur Gardien, leur chef, comme dirait les autres peuples des Terres Ardentes. Quiconque se rend chez les Ephémérides ne peut pas ne pas le voir. Il est là et accueille avec une douceur triste tous ceux qui arrivent. Je me rappelle de toutes les nuits que j’ai passées à l’écouter me raconter les histoires de son peuple, celles des autres, et aussi certains rêves qu’il a accompagnés avant de devenir Gardien.
Certains disent que cela fait déjà plus de mille ans qu’il veille, mais je ne saurais dire si c’est la vérité. Quoi qu’il en soit, sa tristesse est légendaire chez les Ephémérides et chez les voyageurs qui s’y sont égarés. On dit qu’autrefois, avant d’être Gardien, il était un homme heureux et insouciant,  et que c’est voir tous ceux de son peuple s’éteindre petit à petit dans l’amour des rêves qui le ronge. Autour de lui les Ephémérides disparaissent tandis qu’il se tient droit, immobile face à une Mort qui semble l’éviter soigneusement.
Aujourd’hui je dois de nouveau quitter cet étrange peuple si beau, et comme à chaque fois je me demande si ils seront toujours là la prochaine fois.